L’emploi des seniors : l’actualité, l’avenir

15/04/2023

Dernière modification : 17/04/2023 | Temps de lecture : 5 mn | Par : La rédaction

Pour ce nouvel article du “coin focus” et avec la loi promulguée le 15 avril par Emmanuel Macron, je vais tenter de lever quelques préjugés et rappeler pourquoi l’embauche des seniors n’est pas un frein, un poids pour l’entreprise mais bien une ressource précieuse et un sujet encore plus d’actualité.

#l’emploi des seniors, l’actualité

L’infographie de l’emploi des seniors

Les seniors sont définis comme le groupe d’âge 50-64 ans.

  • Les seniors ont un taux d’embauche de 53,8 % en France, contre 59,6 % en moyenne chez nos voisins européens.
  • Selon l’Insee, en 2030, le nombre de personnes de plus de 55 ans en activité augmenterait d’un million par rapport à 2005.

Des chiffres qui empirent pour les seniors âgés de 60 à 64 ans. Sur cette génération, le taux d’emploi en France est de 33 % (35,5 % en 2021 d’après la Dares, NDLR), alors qu’il est en moyenne de 60% en Europe (60 % en Allemagne, 70 % en Suède).

Les préjugés

1. Les seniors rencontrent des difficultés d’adaptation 

On entend souvent que les seniors n’ont pas de facilité avec les nouvelles technologies, les nouveaux outils, les nouveaux schémas de travail. Or si on remonte un peu dans le temps, on se rappelle que ce sont ces mêmes personnes qui ont vu apparaître les premiers outils numériques dès les années 1990. Et qu’elles se sont adaptées à leur évolution au fur et à mesure de leur création et jusqu’à nos jours, et les nouvelles méthodes de travail en distanciel, covid ou post covid.

2.Les seniors s’intègrent mal

Selon une étude menée par OpinionWay, “86% des salariés aiment travailler avec des personnes plus âgées qu’eux.”

L’embauche de seniors contribue à encourager la diversité en entreprise, une source de richesse pour toutes les générations. D’ailleurs la Génération Z et les seniors partagent des attentes communes, dont la quête de sens. Non seulement les seniors ont toutes les qualités requises pour s’adapter facilement à leur environnement de travail, mais ils ont une vision partagée du travail avec la nouvelle génération  !

A noter toutefois : les salariés français préfèrent travailler avec les 50-60 ans plutôt qu’avec les moins de 30 ans (33% contre 26% du panel). La perception des moins de 30 ans est d’ailleurs assez négative dans l’étude : ils sont cités en premier comme les salariés monopolisant le temps de leurs collègues (55%) et comme une menace potentielle pour l’emploi de leurs collègues (50%). Ils n’ont pas les mêmes valeurs respect et travail que les générations baby boomers et les générations X.

3.Les seniors sont moins performants

Pourquoi associe-t-on souvent à un senior actif, une performance inférieure ? Les seniors ont développé tout au long de leur parcours professionnel un véritable savoir-faire et des soft skills souvent recherchées par les employeurs. La richesse de leur expérience professionnelle leur octroie de solides compétences techniques et comportementales. Cette dernière leur permet à l’instar de certains jeunes actifs de travailler moins en travaillant mieux, grâce à leur savoir-faire acquis en évoluant au sein de leur structure ou en changeant de poste, de secteur. En tant que recruteur, ou chef d’entreprise, il est urgent d’intégrer qu’employer des seniors, c’est bénéficier de ses savoirs et s’assurer de leur transmission aux nouvelles générations, ce qui profite à l’entreprise dans la durée et valorise les seniors pour leur fin de carrière.

4.« Gérer des profils seniors est difficile d’un point de vue managérial » 

Pour les entreprises, ces écarts générationnels entre quatre, voire cinq classes d’âge très différentes ne sont pas sans poser de profonds enjeux relationnels entre collègues et surtout avec les managers.

Selon l’étude « Regards croisés sur les cadres seniors en emploi », publiée en 2021 par l’Apec, 47% des RH interrogés estiment que les seniors sont plus aptes que les cadres plus jeunes à désamorcer un conflit. Ils sont même, selon cette même étude, considérés par leurs collègues et managers comme « des piliers essentiels à l’équipe ». Grâce à leur expérience relationnelle, les seniors peuvent jouer un rôle clé dans l’entreprise et même essentiel face à l’anxiété grandissante dans le monde du travail, notamment due à la crise sanitaire. Un profil plus jeune pourra se tourner vers un senior pour trouver des conseils et mieux appréhender des situations difficiles.

5.« Les seniors ne restent pas longtemps en poste » 

Vrai et Faux.

Faux. Dans un contexte de « Grande démission en 2022» et une actualité sociale et économique en tension en France, les entreprises qui embauchent des seniors s’assurent de bénéficier de profils à la fois expérimentés et stables. Certains seniors chercheront à rester plusieurs années, souvent jusqu’à leur départ à la retraite dans l’emploi qu’ils occupent. Les managers pourront donc compter sur leur loyauté, leur engagement total pour l’entreprise. Ce que félicitent nombre de RH, ces soft skills sont de précieux atouts pour l’entreprise. Ne pas omettre un aspect important, leur permettre d’évoluer dans l’entreprise dans les meilleures conditions possibles, pensez à la formation et à la mobilité interne, aux passerelles métier. Les conseillers du Conseil en évolution professionnel (CEP) peuvent vous épauler dans cette démarche.

Vrai. Certains seniors prendront de nouveaux départs comme ils l’ont toujours fait auparavant après quelques années passées au sein de l’entreprise. Ici, rien d’inquiétant car cette dynamique, ce besoin de renouveau permanent est visible dans le processus de recrutement. Post covid, certains seniors viennent à avoir un besoin d’alignement avec leurs valeurs et de quête de sens dans leur travail, leur environnement de travail, comme la génération Z. Dans ce cas présent, leur “sagesse”, leur parcours professionnel riche d’expériences et leur expertise leur permettra d’accéder à une reconversion professionnelle qui viendra répondre à ses nouvelles attentes. Que celle-ci soit vers un autre domaine que le leur ou qu’elle soit sur un schéma professionnel différent, comme l’entrepreneuriat.

6.« Les seniors coûtent cher » 

C’est indéniable, embaucher un senior expérimenté coûte plus cher à l’entreprise qu’un profil junior. Cette démarche volontaire doit être envisagée comme un investissement tant à moyen qu’à long terme. Des hard skills (expertise) et une expérience à transmettre mais aussi des soft skills recherchées par les entreprises telles que l’efficacité, l’autonomie, l’intégrité … Autant de qualités sur lesquelles une entreprise peut miser comme leviers de performance.

Bon à rappeler : l’État propose des mesures et aides à l’emploi des seniors, parmi lesquelles le CDD senior et le contrat de professionnalisation.

Les pratiques en France

On note des pics plus importants, de sorties de l’emploi en début et fin de carrière. L’une des démarches usitée est la rupture conventionnelle, mise en place en 2008. Elle est depuis largement sollicitée par les entreprises pour les seniors arrivant à l’âge de 59 ans. Les 36 mois d’indemnisation chômage (schéma antérieur à la loi loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, le décret n° 2023-33 du 26 janvier 2023 …) venaient “combler” une perte d’activité sous forme de “préretraite” indemnisée par Pôle Emploi.

Les nouveaux dispositifs d’indemnisation du chômage peuvent également influencer les comportements de retour à l’emploi via l’impact du nouveau salaire sur les droits.

#l’emploi des seniors, l’avenir

La loi 

Le conseil constitutionnel a censuré certaines mesures proposées dont l’index senior et le CDI senior. Ces deux actions phare devaient permettre d’une part

  • Index senior, d’avoir une vision plus précise du taux d’emploi des seniors en entreprise (de +300 salariés en 2024) et permettre des actions correctives ciblées. Des sanctions financières étaient prévues uniquement en cas de non publication des chiffres par les entreprises concernées.
  • CDI senior, il avait deux spécificités. La première était l’exonération de cotisations familiales ; la seconde la possibilité pour l’employeur de mettre un terme au contrat dès que le salarié pouvait bénéficier d’une retraite à taux plein alors que la mise à la retraite d’office n’est autorisée qu’à partir de 70 ans.

Les actions possibles

Lutter contre l’’âgisme

L’un des plus grands obstacles à la situation des salariés seniors est la mentalité du monde du travail et de nombreux recruteurs. L’âgisme, soit la discrimination liée à l’âge, est encore très présente dans les processus de recrutement en France. La France est encore un mauvais élève quant à la non discrimination liée à l’âge qu(elle concerne les profils juniors que seniors.

Favoriser l’inclusion

Souvent lorsqu’on parle d’inclusion on la représente sur les aspects handicap, diversité ethnique, culturelle mais rarement liée à l’âge. Comment passer d’une France à la culture ancestrale d’exclusion du marché de l’emploi des actifs seniors et vieillissants à une culture inclusive et active ? Ce changement ne peut s’opérer que par une démarche stratégique des politiques publiques mais aussi des organisations. Il faut penser bonnes pratiques et nouveaux schémas de travail qui devront proposer des environnements de travail, des aménagements et conditions de travail pour les actifs vieillissants.

Les acteurs qui oeuvrent

TIGcRE

Car les jeunes sont également victimes de discrimination à l’embauche, l’association TIGcRE s’attaque quant à elle au double défi de l’emploi des jeunes et de seniors. Elle encourage la création et la reprise d’entreprises par des tandems intergénérationnels, composés de jeunes entrepreneurs et d’actifs en fin de carrière. TIGcRE met à disposition une plateforme de rencontre et organise fréquemment des événements de networking pour entrepreneurs.

TeePy Job

TeePy Job, c’est la 1ere plateforme d’emploi pour senior avec à son actif plus de 4000 employeurs inscrits. Elle a pour but de faciliter le recrutement des seniors et retraités actifs en recherche d’emploi et les entreprises en pénurie de main d’œuvre expérimentée. Cette plateforme permet aux candidats d’accéder à plusieurs offres d’emploi et aux entreprises de publier leurs offres et de trouver rapidement le bon candidat.

Atout’âge (en local)

Atout’âge est une initiative portée par Compétences et Emplois en MEL (Métropole Européenne de Lille), acteur majeur d’actions nouvelles pour lutter contre le chômage, dans l’arrondissement de Lille.

Ce projet innovant consiste à mobiliser et à accompagner des entreprises du territoire de la MEL et de la Région, sur la question de la gestion des âges, du bien vieillir en entreprise.

 

En conclusion

Avec la réforme des retraites qui vient reculer à 64 ans l’âge de départ en retraite et une progression nette des seniors en France d’ici 2040, la prise de conscience, qu’un senior est un actif comme les autres, avec bien souvent un large panel de compétences et connaissances, doit être collective et à tous les niveaux en France.